Tango post mortem
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L'inspecteur, qui fréquentait les milongas, reconnut une chaussure de tango dans l'herbe, à une cinquantaine de mètres du cadavre. Cet homme si élégant dans le tango, si souple dans la valse et si heureux dans la milonga, était devenu sous la torture une masse de viande anonyme, froide, grise. En fait, il avait dû être tué ailleurs et l'assassin l'avait traîné jusqu'ici. Santolos, qui pourtant en avait vu d'autres, réprima un haut le coeur.
La dernière fois qu'il avait aperçu "le danseur" (on le surnommait ainsi car il était très doué), celui-ci avait éconduit plusieurs tangueras qui le sollicitaient. Faut dire que ce soir-là, on aurait dit que toutes les femmes veuves, célibataires, divorcées ou simplement seules s'étaient donné rendez-vous...
Dans la vaste salle d'autopsie, l'incision que le médecin pratiqua du cou jusqu'au pubis du danseur et l'analyse des viscères et organes qui s'en suivit, permirent de trouver un indice sur l'identité du meurtrier. La précision avec laquelle celui-ci avait procédé indiquait clairement des connaissances en médecine, voire en chirurgie. C'est Santolos qui remarqua un second signe qui devait le mener à l'arrestation non pas d'un meurtrier mais de trois : une marque de rouge à lèvres sur l'épaule droite du macchabée...
L'une était infirmière, l'autre aide-soignante et la troisième médecin généraliste ; non seulement toutes trois utilisaient le même rouge mais elles avaient de surcroît le même motif de vengeance : "le danseur" avait refusé leur invitation.
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