27 septembre 2009

Le tango sur le divan !

Quand le tanguero se rend pour la première fois chez un psychanalyste, il évoque ses craintes, ses angoisses, ses doutes face à cette danse complexe. Mais très vite, il en vient à parler de son enfance, de sa mère qu'il observait se maquiller dans la salle de bain et qu'il regardait partir le soir sur des talons aiguilles de dix centimètres au moins !
"Oui. Mais encore ?"
Le tanguero est entré en tango, mais comme il ne fait que des tours, bref qu'il tourne en rond, il décide d'entrer en analyse.
"Asseyez-vous !"
Eh oui le tango n'est pas une danse égoïste, tournée vers soi, certes c'est un peu narcissique mais narcissique à deux, c'est moins grave Docteur.
"Mmmmm…"
Et comme notre tanguero n'arrive pas à être avec sa partenaire, à être en phase car il n'a que sa maman sur dix centimètres qui compte, il lui faut donc s'allonger pour se regarder danser.
"Hum, hum…"
Et de séances en séances, il comprend pourquoi il est si coincé (50 €), pourquoi il n'arrive pas à improviser (50 €) et qu'il lui faut donc divorcer pour entendre les phrases musicales (50 €) et pas seulement musicales...
"Que voulez-vous dire par là ?"
Entendre la pulse...
"puls…ion dîtes-vous ?"
Et après avoir renoncé à s'acheter une voiture neuve (beaucoup de 50 €), il s'entend enfin dire "Non" à une femme qui voulait l'inviter à danser !
Photo : divan de Sigmund Freud, Freudmuseum London

21 septembre 2009

Métro, Tango, Tiempo

Lorsqu’il glissa son ticket de métro dans le composteur, il le fit en pivotant légèrement sur la droite et dès que le tourniquet le libéra, il finit son tour de manière à se retrouver dans le sens de la marche des voyageurs. Il était bien ancré dans le sol. Bras ballants mais épaules souples. Il portait un étrange petit sac de toile noire sur lequel les curieux pouvaient deviner quelques lettres : D_O STY_ E. Seuls les avertis savaient dans quel genre d'endroit il se rendait...

Maintenant, il lui fallait rejoindre le quai, prendre le large escalier encombré de passants qui vaquaient dans tous les sens. Parfait, se dit-il, s'imaginant dans une milonga très fréquentée. Tout en fredonnant l’air de «Ella es asi», il descendit la vingtaine de marches à petits pas rapides et assouplit ainsi ses chevilles. Il se lança dans la foule et arrivé sur le quai, se retournant, il vit qu’il n’avait heurté personne. Décidément, il progressait...

Quand la rame entrait dans la station, il se mettait de côté. Pour lui la cortina c’était cela : il fallait laisser les voyageurs quitter la piste, enfin... le wagon, et prendre ensuite leur place. Même si il y avait des sièges non occupés, lui restait debout, une main posée sur la barre centrale car cela lui permettait non seulement de travailler son abrazo mais dès que le métro se mettait en marche, il pensait à son axe, à son équilibre. Les virages, les arrêts, les départs brusques, tout était bon pour le poids du corps.

Lorsque le métro arrivait à une station, si celle-ci correspondait à un endroit qu’il affectionnait genre Colectivo ou Le Chantier, il hésitait toujours à descendre. A ce moment précis, il faisait un ocho cortado : «j’y vais, j’y vais pas» pensait-il. Mais il avait une préférence pour la milonga de la Butte aux Cailles.

Le changement de correspondance à République lui permettait de marcher dans les longs couloirs et les regards qu’il portait sur les petits carreaux de faïence blanche l’autorisaient à marcher extérieur gauche, intérieur, extérieur droit tout en faisant quelquefois des huit avant, rarement des huit arrière, afin d’éviter des passagers pressés, qui eux bien sûr, ne savaient pas marcher !

13 septembre 2009

Dance on the floor in the round

Quatrième année bientôt pour Paroles... et Tango, ça tombe bien le chiffre 4 est celui préfèré par les danseurs de tango, n'est-il pas ?
4 tangos -cortina- 4 tangos -cortina- 3 valses -cortina- 4 tangos -cortina- 4 tangos -cortina- 3 milongas... et on recommence !

Ce qui frustre, il est vrai, quelque peu les amoureux de la milonga qui doivent attendre "Flor de Montserrat" ou "Ella es asi" une petite heure !

Pour la cortina, de préférence "Between fellows" ou un extrait musical de Jamie Lidell ! On peut aussi penser à la bande musicale des "Poupées Russes". C'est ce qu'il y a de meilleur dans le film !

Sans oublier de glisser dans une tanda proche de Pugliese, "Unglodly fruit" de Wax Taylor ou un tango de Portishead. "Madame rêve" de Baschung, "Lemon incest" de Gainsbourg... dans une tanda dédiée à Edgardo Donato ne seront pas sacrilège... pour tout le monde. Chacun sait que les danseurs de tango ont des avis, des goûts très différents. Certains n'aiment pas les tangos chantés, d'autres refusent l'électro, d'autres encore ne voudraient que des tangos des années 30 et instrumentaux, etc !

Certains ont même osé :
"She was more like a beauty queen from a movie scene
I said don't mind, but what do you mean I am the one
Who will dance on the floor in the round
She said I am the one who will dance on the floor in the round"

Regardez... C'est ici

Photo de Willy Ronis (14.08.1910/12.09.2009)



7 septembre 2009

L'Heure Bleue du tango

J'ai roulé en direction du Sud, je savais que dans le quartier de San Telmo se tenait une milonga et qu'elle devait s'y rendre. Juste après un virage, dans la courbe finissante, j'ai vu son véhicule ; elle conduisait vite, mais déjà je remarquai une souplesse, une élégance et le tango qui passait à la radio épousait parfaitement les nombreuses courbes et lignes droites de la route : à sa façon de conduire, j'ai compris qu'elle l'écoutait aussi...
Nous sommes arrivés en même temps. Je l'ai aperçue dans la foule qui se pressait à l'entrée, le son des bandonéons emplissait l'air chaud, presque irrespirable. J'ai allumé une cigarette, j'étais rassuré, je la savais à l'intérieur et l'imaginais se dirigeant vers les vestiaires : des femmes entraient, parlaient fort, riaient. A son tour, elle s'asseyait devant un des nombreux miroirs et se maquillait légèrement...

Plus je la regardais et plus je voulais l'inviter à danser. Je le lui dis, elle accepta.

Dès l'abrazo, son parfum me grisa, jamais encore je n'avais rencontré une femme qui portât ce parfum. Nous fîmes une série de premiers tangos mais je ne pouvais la laisser partir car je prenais trop de plaisir à la faire danser.

Je lui promis de l'inviter à nouveau lors d'une prochaine tanda et lui donnai rapidement un baiser sur la joue, ce qui la fit rougir et sourire. A nouveau, son parfum ...

Elle ne cessait de fredonner les tangos que nous dansions, elle semblait les connaître tous et c'était agréable de poursuivre la danse accompagné de ce murmure tout près de mon oreille. Nous devenions des danseurs incomparables, nous nous complétions, partageant les secrets de la danse et cette heure si bleue...
Peinture de Yves Klein

1 septembre 2009

Moi, ce que je préfère...

J'ai dansé Le boogie-woogie à kansas City,
Poids du corps sur la pointe des pieds
Et jambes fléchies,

Le charleston à Harlem,
Mains croisées sur les genoux,
Pieds tournés vers l'intérieur,

J'ai dansé Le rock'n roll sur Elvis,
Rotations rapides,
coups brusques du pelvis

Le swing de Duke Ellington
Ça commence en couple et finit en diable

J'ai dansé Le be-bop de Dizzy et Charlie
Le hard-bop avec Max et Art près de Pittsburg

Le jerk à Londres tout seul,
En perdant bras, jambes et tête

Mais moi ce que je préfère...

J'ai dansé
Le cha-cha-cha à La Havane,
Chassé vers la gauche, chassé vers la droite
Et le cœur qui tourne à 120

Le paso doble à Séville,
Et me suis pris les pieds dans la cape

J'ai dansé
La salsa portoricaine,
La colombienne n'est pas mal non plus

La danse du ventre à Alexandrie
En costume deux pièces brodé de pierres et paillettes

Mais moi ce que je préfère…

Illustration "Tango" Hugo Pratt