Je vais et je viens...
Elle ne savait pas quoi faire. Son homme finissait un travail qu'il devait rendre bientôt, un article pour une revue de tango, et elle avait tellement envie d'aller à cette soirée.
Tout à l'heure, nue, elle était venue le voir, l'effleurer, juste avant de rentrer dans la salle de bain. Elle lui avait murmuré dans les oreilles tout en effleurant de ses doigts sa nuque qu'elle aimait tant : "Je vais me préparer, tu viens ?". Il avait à peine prêté attention à ce geste, à cette parole, à ce corps splendide. Il n’avait prêté aucune attention à l’odeur légère et végétale qu’elle exhalait. Il continuait, imperturbable, l'écriture de son papier. Il lui avait répondu qu'il n'y avait pas que "ça" dans la vie mais elle ne comprit pas s'il parlait du tango ou d'autre chose. «Quand je suis devant une page blanche, je ne fais rien d’autre» avait-il ajouté. Elle était sortie, contrariée, du bureau...
Dans la salle de bain, elle avait revêtu une de ses plus belles robes, longue, noire et très ouverte sur la jambe sans parler du dos nu qui offrait aux regards des hommes et pas seulement, une peau douce et satinée. Elle accentua plus que d'habitude son maquillage.
De la pièce d'eau, elle lui demanda de se hâter, qu'elle en avait très envie, qu'elle ne voulait pas arriver en retard à cette milonga. Elle l'entendit râler mais au froissement des feuilles, elle comprit qu'il quittait son fauteuil et allait venir la rejoindre. Quand il entrouvrit la porte de la salle de bain, elle lui dit : "Alors comment me trouves-tu ? Tous les hommes voudront m'inviter à danser, non ?" Lui qui n'avait pas pris le temps, la délicatesse de la regarder tout à l'heure resta bouche ouverte plusieurs secondes devant cette femme qu’il eut de la peine à reconnaître comme étant sienne. Il lui dit qu'elle lui plaisait vraiment, que ça n'était pas utile d'aller à cette soirée, qu’ils pouvaient très bien rester tous les deux dans cette salle de bain. Déjà il sentait sa fierté grandir et les éclats brillants qui émanaient du vêtement, du corps de sa bien-aimée l’envahissaient de frissons. Il avait de plus en plus de mal à maîtriser son émotion. Il s’approcha d’elle, commença à caresser son dos, ses reins, sa bouche s’entrouvrit…
"Habille-toi vite ! On va être en retard..."
En photo oeuvre de Paul Delvaux
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