Marianne et le tango
"... Mais jugez de mon étonnement, quand, parmi ceux qui s'empressaient à m'inviter, je reconnus le jeune homme que j'avais éconduit un soir dans une milonga, ne sachant pas encore danser...
Je n'osais même le regarder, ce qui faisait que j'en mourrais d'envie : aussi le regardais-je, toujours en n'osant, et je ne sais ce que mes yeux lui dirent ; mais les siens me firent une réponse si tendre qu'il fallait que les miens l'eussent méritée. Cela me fit rougir, et me remua le coeur à un point qu'à peine m'aperçus-je de ce que je devenais.
Je n'ai de ma vie été si agitée. Je ne saurais vous dire ce que je sentais. C'était un mélange de trouble, de plaisir et de peur ; oui, de peur, car une fille qui en est à son apprentissage ne sait où tout cela la mène : ce sont des mouvements inconnus qui l'enveloppent, qui disposent d'elle, qu'elle ne possède point, qui la possèdent ; et la nouveauté de cet état l'alarme.
Il est vrai qu'elle y trouve du plaisir, mais c'est un plaisir fait comme un danger."
Marivaux "La vie de Marianne"
Lien avec Peinture de Anh
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