29 avril 2008

Buenos Aires à Cannes

Pablo Trapero à Cannes pour la seconde fois mais cette fois-ci dans la sélection officielle avec "Leonera", histoire d'une femme incarcérée qui élève son enfant né en prison. Remarqué dans de nombreux festivals, adulé par la critique internationale, Pablo Trapero va encore frapper fort à Cannes cette année.

Autre personnalité marquante du cinéma argentin également en compétition officielle : la réalisatrice de "La ciénaga" (2001) film primé à Berlin, à Sundance et aux 13èmes rencontres de Toulouse. A Cannes, cette année, Lucrecia Martel présente "La femme sans tête" qui raconte l'histoire d'une femme de quarante ans devenue amnésique suite à un accident de voiture...
La cérémonie de clôture se terminerait bien par un tango cette année !
Dans les autres sections comme La Semaine de la Critique ou La Quinzaine des Réalisateurs, pourraient figurer "Sangre Brota" de Pablo Fendrik, "Liverpool" de Lisandro Alonso ou encore "Salamandra" de Pablo Agüero.

21 avril 2008

Cholo el sastre, Cholo le tailleur (suite)

"Le tango, autrefois ?" Il se passe la main sur le front, réfléchit…

"Une ambiance très pauvre, rien à voir avec aujourd'hui. Des gens humbles, de métiers très divers, se réunissaient après la journée pour répéter un peu. Du maté, des biscuits et c’était parti. On jouait beaucoup dans le club du quartier, surtout dans les clubs de foot. Il y en avait des tas, on pouvait danser partout. Le samedi soir, dans la capitale argentine, on trouvait facilement plus de 50 orchestres à l’affiche et c'était seulement ceux qui se faisaient connaître…. Imagine- toi."
J’imagine.
"On choisissait d’aller ici ou là en fonction du style ; selon les orchestres ça jouait différemment , il y avait les plus classiques et les autres…"
Lui se définit comme classique, orthodoxe.
"Quels orchestres je préfère… ?" Il énumère Gobi, Di Sarli, Troilo, Salgano. Quels chanteurs ? Julio Sosa, Edmundo Rivero. Un orthodoxe, c’est évident.
Il ajoute que dans les clubs, il ne fallait pas rigoler. On y allait pour danser. Il y avait certains endroits plus tolérants où les choses se mêlaient. Mais par contre il y en avait d’autres : "Je te donne un exemple : je me rappelle d’un club, Villa Malcom – une milonga qui existe encore – où on ne rigolait pas : si tu faisais un pas trop suggestif en couple, le censeur apparaissait et te remettait en place. Il y avait la censure sur les pistes ! On pouvait t’expulser et tu ne revenais jamais ! Il y avait certains clubs, notamment dans le quartier de Mataderos, où ça pouvait même se compliquer... si tu me comprends..." Je ne comprends pas. "C’est simple, si tu invitais une femme avec qui tu n'aurais pas dû danser, les locaux venaient te cracher sur le dos… Je te l’assure, il fallait faire gaffe. Aujourd´hui le tango est devenu plutôt un cirque, un cirque pour les étrangers !". Il se passe la main sur le front. "C est comme ça, qu’est ce que tu veux que je te dise ?".

D'Espagne, de France, d'Italie, et même du Japon, des tangueros, professeurs et danseurs, viennent dans cette vieille demeure pour demander à Florindo Brindesi de pratiquer encore son art.
Et Cholo le tailleur, quand il livre le costume, offre toujours la cravate avec…
de notre correspondant à Bueno Aires, Martin Suaya

14 avril 2008

El Rey del Compas

"Je suis un grand optimiste. Un gars heureux... La seule chose que je veux, c'est continuer avec mon orchestre, même si je sais que je ne suis plus un jeune garçon, que je dois prendre soin de ma santé et que je ne peux pas dépenser autant d'énergie qu'avant. Cependant, lorsque je suis sur scène, je réalise toujours un show. Et je ne le fais pas parce que je suis un type bizarre. Je le fais parce que je ressens le tango comme ça. Du rythme, du nerf, de la force, du caractère". Juan d'Arienzo
"Loca"

9 avril 2008

Cholo el sastre, Cholo le tailleur

à Julia y Andrès Ciafardini

Je pénètre dans le couloir et j'entends déjà les accords. «Viens, viens, me dit-il, c’est Di Sarli, je le mets toujours l'après-midi». J’écoute et je marche lentement. C’est le Tango, bien sûr, quoi d’autre, qui nous guide dans ce voyage.
«Viens, viens, assieds-toi, qu’est ce que tu veux savoir ?
- Un peu tout de vous Monsieur, je réponds, c’est pour ça que je suis là.
- Ah bon ?
- Mais si ! Je vous ai prévenu, le tango, votre métier, les costumes, les danseurs, votre histoire enfin… !
- D'accord, d’accord. Comment j’ai commencé dans le métier ? Eh bien… deux danseurs, Soto y Cejas, sont venus avec des pièces de toile pour que je leur confectionne un costume. Voilà, c est parti ! Après, tu sais, les gens parlent…» Il sourit. Il sait qu’il est doué, mais il reste toujours modeste.
Florindo Brindesi entrevoit déjà ses 80 printemps, mais il travaille toujours. Jour après jour, même 12 heures par jour. Je le regarde et je lis toute une histoire sur son visage. Il me montre son atelier et je découvre, immobiles, ses outils. «Tout appartenait à mon père, il y a même des choses qui étaient à mon grand-père». Cholo, troisième génération de tailleur, persiste encore dans cet art. Il coud, il coud, et les gens viennent toujours le voir. Il a toujours habité le quartier porteño de Boedo, toujours habité la même maison et toujours pratiqué ce métier… pendant plus de 60 ans. Sa femme acquiesce et lui, comme ça, se met à parler de ses débuts : à peine terminé l’école primaire, il s’y est mis. Son père lui avait demandé s’il voulait continuer à étudier ou bien le rejoindre à l’atelier. Il n’a pas hésité. Il a choisi sa destinée très tôt dans la vie.
«Le tango, autrefois ? Il se passe la main sur le front, réfléchit… On en parlera plus tard.»
de notre correspondant à Bueno Aires, Martin Suaya