24 février 2010

Tango interruptus

Soudain, l'homme s' arrêta alors que le mouvement devenait de plus en plus intense, rapide. Il s'immobilisa, le regard ailleurs, radieux et perdu... Cependant la femme poursuivait : quelques gestes, fioritures, elle enlaçait son homme, elle composait de nouvelles figures, pour lui, rien que pour lui.

L'air devenait lourd. Déjà la sueur, la moiteur de leurs corps... Il pensa à La Havane où ils avaient séjourné l'été dernier. Cette idée fut fugitive, il ne fallait pas qu'il se mit à rêver, ça n'était pas le moment de la décevoir, la fièvre ne devait pas tomber, pas encore, pas maintenant.

Il mena à son tour le jeu, la danse et enchaîna un léger déplacement : la femme se retrouva dans une nouvelle position autour de lui. Il ne lui avait encore jamais montré ce tour et elle en fut toute émue et désirante car elle savait que rien ne se répètait jamais avec exactitude et qu'il lui fallait goûter totalement cet instant comme si c'était la dernière fois.

Ce qu'ils aimaient tous les deux était l'absence de régularité. Ne rien prévoir. Seulement sentir à quel moment l'un pouvait surprendre l'autre, enlacés de manière très proche, fusionnelle, lui la tenant fortement par la taille ou au contraire, réaliser une variante ouverte, très ouverte sur le plaisir.

Et interrompre à nouveau le pas, le geste, le mouvement...
"Les amants" René Magritte

19 février 2010

L'envol de Tete et la solitude d'Osvaldo Zotto



A deux grands danseurs-interprètes du tango argentin, récemment disparus, envolés vers d'autres milongas : Osvaldo Zotto est mort le 8 janvier dernier à l'âge de 46 ans, il était l' héritier des Todaro, Virulazo, Pepito.

Pedro Rusconi dit "Tete" a quitté le pays du tango le 6 janvier 2010 à l'âge de 74 ans. Paroles... et Tango en avait parlé en 2006 : regardez !

Quel plus bel hommage que ce texte écrit par Pina Bausch en 1998 :
"Oh dear dear Tete
...dance dance
otherwise we are lost...
with all my love
to dance with you will stay for ever unforgetable
and I am dreaming of more
Thank you for this big big honor ."

11 février 2010

Il faut sauver le "Tango Mio"

De la même façon qu’il est nécessaire de sauvegarder la musique et les chansons de tango, de la même façon qu’il faut rechercher, ré-éditer des disques, faire connaître au public les tangos et interprétations que l’on croyait disparus, un travail similaire est à réaliser pour les films qui évoquent le tango.
Il en est ainsi du très beau document de Jana Bokova «Tango Mio» projeté sur Arte à l’époque où Thierry Garrel dirigeait le service Unité Documentaires.
En août 1968, Jana Bokova quitte la Tchécoslovaquie, fait une école de cinéma à Londres et s’installe à Buenos Aires où elle rencontre le tango.

Jana Bokova : «J’ai décidé de réaliser un film sur l’âme du tango. C’est une musique qui me touche beaucoup, par sa mélancolie, sa tristesse… J’ai donc convaincu la BBC, ce qui n’était pas facile, car à l’époque, le tango n’était pas à la mode, les gens ne savaient même pas ce que c’est, si c’est une danse ou une boisson, surtout en Angleterre…»

Et c’est ainsi qu’elle réalise en 1985, entre documentaire et fiction, «Tango Mio» sur la vie des tangueros et tangueras de Buenos Aires. J. Bokova suit principalement deux personnages tout au long du film : Suzanna, la Morocha qui chante dans les cafés et les cours de Buenos Aires, elle chante pour le peuple de Buenos Aires, celui dont il est question dans les textes de Discepolo, de Manzi ou Cadicamo. Le second personnage de «Tango Mio» suit les traces d' Eduardo Arolas surnommé le Tigre du bandonéon et dont la mort à Paris à l’âge de 32 ans reste un mystère.
Les couleurs de la ville, les visages, les cafés et les ponts, le quartier de la Boca… Un Buenos Aires loin des cartes postales ; Jana Bokova donne à voir, à entendre quelque chose de l’ordre du social et du politique à travers l’âme du tango.

On y rencontre également Osvaldo Pugliese, Roberto Goyeneche, Maria Nieves, Raul Gimenez ou encore le célèbre couple de danseurs Elvira et Virulazo.

Il faut montrer partout ce film, le distribuer de nouveau, le réclamer auprès des exploitants, le programmer dans les festivals... C’est ainsi qu’il pourra être sauvé.

Jana Bokova a réalisé en 2003 un autre film sur le tango argentin «Tango Salon : la Confiteria Ideal».
Les propos de Jana Bokova ont été recueillis par Magdalena Segertová pour Radio Praha.