23 janvier 2011

Desencuentro

En 2008, sortait en France un film qui avait ému deux ans auparavant le monde du tango en Argentine. «Si Sos Brujo, una historia de tango » témoignait du travail d’Ignacio Varshausky, contrebassiste de El Arranque, dont l’ambition était de retrouver les témoins directs des années d’or du tango argentin. D'où la rencontre avec Emilio Balcarce.

Ignacio Varshausky : "On a réalisé qu'on était un peu seuls... De là vient le besoin de créer un orchestre école tango pour y inviter les maestros pour qu'ils nous enseignent comment jouer. Apprendre à partir d'enregistrements des années 40 ou 50 est très difficile, il y a des enseignements qu'on ne peut apprendre qu'en les voyant en direct. Il faut sauver la transmission orale. Personne n'a conscience que c'est urgent. Quand ces hommes ne seront plus là..."

Emilio Balcarce, c’est le compositeur de « Si Sos Brujo » qui donne son titre au film, le créateur aussi de «La Bordona», classique des classiques. Violoniste à 6 ans puis bandonéoniste, il est un des plus grands représentants du tango argentin et la réalisation de Caroline Neal est, à cet égard, un document exceptionnel.
Une des plus belles scènes du film se passe dans la cuisine des Balcarce. Il y a là Emilio et son épouse, leur fille et puis Ignacio Varshausky venu leur rendre visite. L’épouse de Balcarce insiste pour qu’Emilio accompagne leur fille qui souhaite chanter un tango.

Emilio : " Mais pourquoi je l’accompagnerai. Je ne me souviens de rien..."

C’est alors qu’il prend son bandonéon...

"J’essaie. Je ne sais pas si je pourrai le faire…" Et les notes, la phrase musicale soufflent alors sur les paroles du tango : « On est désorienté et tu ne sais pas quel trolley il faut prendre pour continuer dans cette rencontre manquée avec la foi. Tu veux traverser la mer et tu ne le peux pas… »

Emilio Balcarce allait avoir 93 ans le mois prochain. Il a pris le dernier trolley pour ne pas manquer la rencontre avec Edgardo Donato, Ricardo Tanturi, Anibal Troilo... et Osvaldo Pugliese. Tous les grands orchestres qu’il a accompagnés vont lui faire une véritable ovation lorsqu’il leur racontera la merveilleuse aventure de l’Orquesta Escuela de Tango. Aujourd'hui, de jeunes générations découvrent de très anciennes partitions retrouvées au fond de tiroirs mais aussi savent maintenant comment les musiciens les interprétaient dans les années 40 et 50. Emilio a été l'un de ceux qui ont soutenu ce projet qu'on pensait impossible.

"Je crois que les possibles se réalisent quand ils ont le soutien nécessaire" avait-il dit dans l'un de ses derniers entretiens.

Aucun commentaire: